ANNE-MARIE ET JEAN WATIER : Vers une vieillesse heureuse et partagée
À la sortie du village, au bord de la route départementale, le regard est attiré par un ensemble de petites maisons en bois. Bienvenue au «Pré aux fleurs», un lotissement conçu dans les règles de l’habitat écologique. Sorti de terre fin 2015, il accueille actuellement trois couples et trois personnes seules, tous locataires, unis par les valeurs d’entraide et de vie simple. Parmi eux, Anne-Marie et Jean Watier. «Chacun conserve son indépendance, mais vieillir dans un cadre épanouissant signifie mettre les relations humaines au premier plan, expliquent-ils. En plus des six logements, il y a une maison commune (dite maison partagée) dont nous nous répartissons les frais de location : nous l’utilisons pour des réunions, des fêtes, l’accueil des familles et des amis...»
Initiateurs du projet, Jean et Anne-Marie ont créé avec des amis l’association Ensemble vivre et vieillir autrement en Ardennes (Eva 08) pour mettre en oeuvre le projet. Domiciliés non loin de là, à Antheny, où Jean était artisan électricien, ils ont travaillé d’arrache-pied depuis 2009 comme des gens qui ont tout à découvrir : quelle structure juridique ? Dans quelle commune s’établir ? Qui va construire ? Peut-on bénéficier de subventions ?... La rencontre avec le Chênelet, entreprise d’insertion, constructeur et bailleur social, fut décisive. En soutien caché, les soeurs du carmel de la Fontaine-Olive, dont le couple est proche, ont prié et facilité la mise en relation avec d’autres personnes. Les locataires actuels ont entre 67 et 91 ans. Même si l’attention mutuelle se vit spontanément au quotidien (une personne est aveugle, une autre atteinte de troubles psychiques...), l’association ne veut pas d’un entre soi douillet. Les Watier font partie du club de gym et du club des anciens de Maubert-Fontaine et tissent des liens avec les personnes domiciliées autour du lotissement.
Des chrétiens engagés
Si le projet se veut non-confessionnel, les Watier disent puiser leur inspiration dans leur foi et leurs engagements : Chrétiens en monde rural, CCFD, accueil de personnes en difficultés… Vivre sa foi en rural, c’est cultiver le vivre ensemble. Cette conviction, les Watier n’ont eu de cesse de l’approfondir auprès des Frères missionnaires
des campagnes. Ils découvrent la congrégation dans les années 1960 grâce à l’engagement religieux de Claude Bocquillon, un collègue de la Jeunesse agricole chrétienne ( JAC) et Geneviève Bauchot (soeur Ginette). Puis Marie-Liesse, leur cousine, entre elle aussi chez les Soeurs des campagnes. Un attachement indéfectible les lie à la congrégation, entretenu par des sessions à la Houssaye, la maison-mère située en Seine-et-Marne, des réunions d’équipes... En 1992, le couple rejoint pendant trois semaines leur fils au Burkina-Faso ; il passe deux
années chez les Frères dans le cadre du service militaire.
«Partout où nous sommes allés, nous avons été édifiés par la simplicité de vie et l’hospitalité des Frères. À leur exemple, nous essayons de participer au développement d’une vie fraternelle dans le monde rural.»
C’est d’ailleurs au cours d’une halte spirituelle, organisée en mars 2009 par leur groupe régional au monastère de Saint-Thierry, qu’un appel a été lancé pour une réflexion sur un projet d’habitat groupé pour personnes vieillissantes.
Moins de biens, plus de liens... Cette philosophie de vie, les Watier l’appliquent aussi dans leur couple. En 2004, ils s’inscrivent à une session organisée par le mouvement chrétien Vivre et Aimer. Parce que même après quarante-deux ans de mariage, ils estimaient avoir encore à apprendre. «On peut vivre l’un à côté de l’autre sans se connaître vraiment.» Cette session leur a permis de mieux communiquer, en leur donnant des «clefs» pour exprimer leurs sentiments et mieux se comprendre. «Nous décidons de continuer à nous aimer.»
La communication s’approfondit, plus dans «l’être» que dans le «faire».
CÉLINE LAROUSSE
Informations : www.eva08.org
et www.fonciere-chenelet.org
Mail : jean.watier@free.fr