«Il est vraiment ressuscité !»
Ce n’est pas pour rien que le Christ est mort sur la croix. L’actualité nous rappelle toujours qu’il y a du mal dans le monde : le mal que les êtres humains subissent – les catastrophes naturelles, les maladies, les accidents, la mort – et le mal que les êtres humains s’infligent les uns aux autres. Depuis quelques années, nous découvrons du mal chez des ministres du Christ, pourtant ordonnés pour offrir à tous son pardon et sa bonté, et même de la part de personnes auprès de qui beaucoup trouvaient la lumière du Ressuscité. Le mal, ce que saint Paul appelle «le mystère d’iniquité», est décidément encore plus enraciné dans le coeur des hommes que nous ne le pensions. Il exerce ses ravages, faisant du mal à de nombreuses personnes, au-delà de ce que nous pouvons nous représenter.
Nous découvrons encore un peu plus alors pourquoi «il fallait que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire». Pour arracher les hommes à la force corruptrice du mal, il ne suffit pas de bonnes paroles ; il ne suffit pas de lois et de préceptes ; il ne suffit pas de bons exemples. L’expérience prouve, s’il en était besoin, que la liberté
humaine sait se donner les airs de la bienveillance et de la bienfaisance pour assouvir ses besoins de posséder et d’abîmer. Il faut pouvoir rejoindre le fond du fond du coeur des êtres humains, là où se nichent les contradictions les plus étonnantes, parfois effrayantes, entre la prétention à faire le bien et la fascination pour la mort et le péché. Il faut que le Fils bien-aimé lui-même s’abaisse et descende jusqu’à subir la force porteuse de mort qui habite le coeur des êtres humains. Nous avons contemplé la face bafouée du Christ et nous ne pouvons l’oublier. Il nous met sous les yeux ce que produit le mal, même le petit mal, même le mal infime auquel parfois nous nous laissons aller, que parfois nous nous autorisons, l’air de rien. Il est mort parce que le mal fait du mal, parce que le mal, tout mal – même le petit mensonge qui m’échappe, le coup de griffe sur mon prochain que je ne retiens pas – provoque de la mort.
Le risque que court notre époque est celui du cynisme : nous risquons de nous convaincre que, décidément, il ne sert à rien de vouloir vivre selon le meilleur, que c’est même dangereux. Les révélations à répétition d’abus de la part de prêtres, mais aussi d’abus commis dans des communautés ou des congrégations, nous coupent tout rêve que l’on puisse vivre dès ici-bas de l’Évangile. Ne faudrait-il pas se résoudre à la médiocrité, se contenter
du moindre mal plutôt que courir le risque d’un meilleur qui décevra ?
Le Christ, vainqueur de la mort
Mais, non ! le Christ est ressuscité. Il est sorti du tombeau. Il est descendu dans lesprofondeurs de la mort et il en est sorti vainqueur. Il nous entraîne avec lui. C’est ce que signifie la célèbre icône de Pâques où l’on voit le Christ dans les enfers saisissant Adam par le bras pour le tirer, et Ève avec lui, vers la vie, en l’arrachant à
l’enfermement de la mort. Oui, notre liberté est dangereuse ; oui, nous sommes capables de corrompre bien des réalités, et même les plus saintes. Mais oui aussi, tout pas en avant vers la vérité, le pardon, la réconciliation, le partage, le don de soi, la lumière, promet déjà la victoire finale et cette victoire-là ne trompe pas. Oui, le Christ est ressuscité : les forces de la mort ne l’emporteront pas ! Oui, le Christ est ressuscité, vivant comme il l’avait
promis ! Les Écritures l’annoncent depuis longtemps parce que c’est le dessein de Dieu depuis le tout commencement. Ce qu’il a de bon, de beau, de vrai, de joyeux dans nos vies ne ment pas. Cela annonce
l’infiniment plus que Dieu nous donnera dans la vie éternelle. Dès ici-bas, dès maintenant, laissons place à la charité, à l’amour vraiment vivant et vivifiant ! Ne nous résignons pas aux forces obscures qui nous habitent, ne nous réduisons pas à nos pulsions. Osons croire que nous pouvons, dans la force du Christ, aller les uns vers les autres pour nous aider à être plus vivants.
Eric de Moulins Beaufort Archevêque de Reims